[HISTOIRE+LITTERATURE LGBT] Lesbian pulp fiction

Qu’est-ce que la Pulp Fiction ?

Dans les années 50, les Etats-Unis ont vu l’émergence d’un nouveau genre littéraire appelé « Lesbian Pulp Fiction ». La littérature de la « Pulp » existait déjà depuis les années 1890 et désignait des livres et des magazines de très basse qualité et tire son nom non pas du genre mais de la matière utilisée pour faire le papier appelé « wood pulp » en anglais. Tous les genres étaient regroupés dans la littérature Pulp : SF, western, super-héros, policier, érotique… Mais si le papier était de mauvaise qualité, les éditeurs misaient tout sur les couvertures dessinées avec pleine de couleurs criardes.

L’émergence de la Lesbian Pulp Fiction

Au début du XXème siècle, les rares histoires avec des couples de femmes ne se terminaient jamais bien et les stéréotypes sur les lesbiennes fleurissent. Ces romans légers sont souvent envoyés aux militaires.
La Lesbian Pulp Fiction a fait ses débuts alors que la Pulp Fiction déclinait déjà. Les comics de super-héros avaient pris leur place parmi les étagères, les romans avaient un prix désormais abordable et la télé débarquait dans les foyers. C’est le succès du roman Women’s Barracks (1950) de Tereska Torres qui contenant quelques scènes de sexe entre femmes qui a lancé le mouvement.
Woman’s Barrack et le roman Spring Fire (1952) by Marijane Meaker (pseudonyme de Vin Packer) sont considérés comme les premiers ouvrages du genre et ont tout deux été vendu à plusieurs millions d’exemplaires.

Les premiers romans

Dans les Lesbian Pulp Fictions on trouve de tout : du mauvais comme du très bon, des auteurs comme des autrices qui utilisaient parfois des pseudonymes. Comme vous vous en doutez, la plupart des Lesbian Pulp Fiction ont été écrites par des hommes pour répondre aux fantasmes des hommes. La plupart des romans n’étaient rien d’autre que du porno sur papier où les personnages n’avaient ni développement et l’histoire pas d’enjeu. Les autrices lesbiennes ou bi étaient en large minorité.

« […] environ 40 ou 50 romans (pulp) lesbiens étaient écrits par des femmes, et étaient suffisamment bons pour devenir des classiques sous-jacents… Les pulps ont permis également aux lesbiennes des villages isolés de constater qu’elle n’étaient pas les seules lesbiennes au monde. » – Roberta Yusba, « Twilight Tales: Lesbian Pulps 1950-1960 »

Les couvertures montraient généralement deux femmes (peu vêtues) et dans des positions douteuses. Mais certaines autrices en ont joué en écrivant des romans avec des personnages réelles, dimensionnelles et en mettant des couvertures légères afin d’attirer des lecteurs masculins. Ainsi, elles pouvaient montrer le vrai visage des lesbiennes : des femmes de tous les jours.

Les romans peuvent être classés en deux catégorie selon Yvonne Keller : les « pro-lesbians » et les « viriles adventures ». Les premiers regroupent les livres écrits par des femmes avec des personnages réalistes et une histoire bien ficelée sans scènes de sexe graphiques tandis que les autres sont plus dirigés vers les hommes avec un love interest masculin au milieu et beaucoup de scènes de sexe.

L’influence du genre

Si, évidemment, la communauté gay existait déjà à cet époque (et oui, les gays ne sont pas apparus dans les années 2000), elle était largement cachée dans les années 1950. Beaucoup n’avait jamais rencontré de personnages gays dans sa vie, personne ne leur avait dit qu’il n’y avait rien de mal là-dedans et il n’était pas rare que certains pensent leurs sentiments « contre-nature ». Beaucoup de femmes lesbiennes se sont donc reconnues dans ces romans et beaucoup ont réalisé qu’elles n’étaient pas seules. “C’était une ère de profonde isolation. Beaucoup d’entre nous ont grandit en pensant que nous étions seules. Les livres étaient comme de l’eau au beau milieu du désert. » explique l’autrice Katherine V. Forrest (qui en 2005 compilera une anthologie de Pulp Fiction).

On dénombre environ une centaines de romans écrits par des femmes lesbiennes pour des femmes lesbiennes. Dans la communauté LGBT, les romans passaient de main en main parmi les amies, les petites-amies…

“J’espérais que des femmes les trouvent et les lisent » dit Bannon, doyenne du genre. “Je n’étais pas sûre de mon talent ou de mon habilité à toucher les gens ou même si les livres seraient distribués mais j’espérais qu’ils fassent un peu de bien à ce monde”

Une vision moderne

Beaucoup de romans contiennent des personnages qui aujourd’hui seraient dites comme bisexuelles/pansexuelles et terminent avec un homme à la fin de l’histoire (tout est bien qui finit bien). Mais peu d’auteur-trice-s utilisaient le mot « bisexualité » à l’époque voilà pourquoi on utilise notamment le terme de Lesbian Pulp Fiction.

Un autre problème souvent relevé reste le manque de personnages de couleur. La Lesbian Pulp Fiction a été fortement dominé par des auteur-trice-s blanc-he-s et surtout des personnages blanc-he-s.

Le déclin de la Lesbian Pulp Fiction

Le golden age du genre se trouve dans les années 1955-1965, s’en ait suivi un déclin à la fin des années 60 simplement parce que le type de livres commençait simplement à disparaître. L’apparition de la Lesbian Pulp Fiction a commencé parce que les éditeurs voulaient redonner un nouveau souffle à leurs livres bon marché mais ils ont enclenché quelque chose de bien plus grand. Ces romans ont ouvert les yeux et bien que la société mit du temps à se transformer, elle le fit et c’est peut-être un peu grâce à l’aide de la Lesbian Pulp Fiction qui a ouvert les yeux à des milliers de femmes à travers les Etats-Unis. Rappelons qu’à la fin des années 60, le féminisme et l’activisme en faveur des droits LGBT a connu une nouvelle vague.

Certains romans ont tout de même été réédité dans les années 80 puis ensuite en 2000. L’un des romans les plus connu « The Price of Salt » de Patricia Highsmith (un des premiers romans lesbiens à avoir une fin heureuse) a été adapté en 2015 au cinéma sous le nom Carol.

Le genre a connu un nouvel essor grâce à Internet et aux milliers d’auteur-trice-s qui ont trouvé un moyen de partager leurs romans plus facilement.

Quelques romans et autrices du genre

  • Ann Bannon (1932-) est souvent surnommée la « Queen of Lesbian Pulp Fiction » avec ses six romans (1957(1962) qui sont connus sous le titre de The Beebo Brinker Chronicle. Ses personnages sont ceux avec la plus longue longévité. Son héroïne Beebo Brinker est l’une des premières « butch » de la littérature. Je vous conseille grandement ces romans si le genre vous intéresse un peu plus.
  • Valerie Taylor (1913-1997) a écrit huit romans, des poèmes et même des nouvelles. Elle est plus tard devenue une activiste pour les droits LGBT. Pour cette autrice, je vous conseille le roman The Girls in 3-B.
  • Marijane Meaker (1927-) a écrit sous plusieurs pseudonymes. L’un pour ses romans thrillers et l’un pour ses romans lesbiens.
  • Marion Zimmer Bradley (1930-1999) est une grande romancière de fantasy/SF et a longtemps refusé d’avouer qu’elle avait écrit des Lesbian Pulp Fictions sous des pseudonymes.

N.B : Si vous voulez en savoir plus sur le genre, je vous conseille le roman Pulp de Robin Talley (sortit en novembre 2018) et qui raconte l’histoire en deux points de vue. L’une est une autrice de Lesbian Pulp Fiction dans les années 50, l’autre est une jeune fille des années 2010 qui découvre ce genre littéraire.

 

 

 

 

3 commentaires

  1. Très intéressant cet article, je le trouve plus abouti que d’autres que tu as pu sortir (je dis pas ça pour rabaisser les autres articles mais pour te féliciter du progrès!). Il est bien structuré et informatif sans être barbant =)

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